Un territoire d'eau

Vivre sur un polder

Intimement lié à l'eau depuis toujours, le polder de l'ancien delta de l'Aa (dessiné dans le triangle Calais-Saint-Omer-Dunkerque), est « mis hors d'eau » depuis dix siècles grâce à un ingénieux système drainant de 1 500 km de canaux et de watergangs : les wateringues. Un système aujourd'hui confronté à la menace majeure de la hausse du niveau de la mer. Générée par le réchauffement climatique, elle fragilise la protection face au risque de submersion marine et perturbe le nécessaire renvoi des eaux intérieures vers la mer.

Posters dessinés et illustrations du Delta de l'Aa 2050

Un polder séculaire, « baignoire » triangulaire

Le polder de l'ancien delta de l'Aa est une étendue artificielle de terre gagnée sur la mer. Fruit d'un travail acharné mené au fil des siècles depuis le Moyen Âge, son point le plus haut culmine à 7 m au-dessus du niveau moyen de la mer et il se situe même parfois en-dessous (jusqu'à 2,5 m sous le niveau de la mer aux Moëres).

En quelque sorte, on a créé une « baignoire », pour stocker l'eau douce à marée haute, et la vider à marée basse.


Un système efficace depuis un millénaire…

Pour capter l'eau, un ingénieux ensemble de pompes actionnées par des moulins à vent (remplacés depuis par des pompes électriques) assure le drainage par un réseau de canaux et de bassins : le système des wateringues. Ce travail titanesque a maillé le territoire grâce aux fossés (appelés watergangs, grachts, vliets) et canaux qui se croisent et communiquent par des centaines d'ouvrages (pompes, vannes, écluses, siphons, etc.). Son but est d'évacuer les excédents à la mer. Avec une grande efficacité depuis dix siècles : le système des wateringues a modelé le paysage du territoire et permis l'occupation humaine (200 000 habitants dans le Dunkerquois) et le développement urbain et économique du territoire.

À tel point qu'aujourd'hui nous oublions parfois que nous vivons sur une terre chèrement gagnée sur la mer.

… grâce à des protocoles stricts

Car il ne faut pas oublier que cette « baignoire » qu'est le polder doit être vidée selon des règles et protocoles stricts établis entre les différents partenaires. Et selon un mode différent l'été et le reste de l'année, afin de préserver la ressource en eau moins abondante l'été.

Toute cette eau captée ne peut être renvoyée à la mer que via trois exutoires : à Calais, à Gravelines, à Dunkerque. Autant de portes à la mer qui ne sont ouvertes que quand la mer est basse. À marée haute, on protège le polder des intrusions marines en gardant ces portes fermées. Les eaux douces drainées, ainsi que les eaux pluviales, sont stockées dans le réseau de canaux. Et pour éviter à cette immense « baignoire » de déborder, un système de pompage de grande capacité (100 m³ par seconde) mis en place dans les années 1970 permet, en période de crues, de les renvoyer à la mer afin d'empêcher une inondation.

Ceci afin d'éviter de revivre un drame similaire à celui causé par la tempête de 1953, dernier événement climatique marquant pour la plaine maritime flamande et nos voisins hollandais.


Des travaux de prévention

Depuis 2016, la Communauté urbaine de Dunkerque assure la compétence Gemapi (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) et gère les ouvrages de protection contre la submersion marine. La digue des Alliés a été renforcée à Dunkerque, les perrés des digues de Malo rehaussés, une lagune créée au parc Jacobsen à Saint-Pol-sur-Mer. Un programme d'entretien et d'investissement pluriannuel, financé par la taxe Gemapi (adossée aux impôts locaux), permet la bonne gestion du patrimoine de ces ouvrages et l'anticipation des conséquences du changement climatique. Le volet inondations continentales a été confié à l'Institution intercommunale des Wateringues (IIW). Elle réalise, entretient et gère les ouvrages qui permettent l'évacuation des eaux à la mer et empêchent les incursions d'eau salée.


Quelques chiffres

1 000
Le nombre de km² de polder sous le niveau moyen de la mer.
450 000
Le nombre d'habitants du delta de l'Aa protégés par les wateringues
(dont 200 000 dans l'agglomération).
1 500
Le nombre de km de canaux et watergangs.
100
La capacité en m³/s de pompage à la mer.